Transat Retour : Saint Martin – Açores

JOUR 1

Il y a un peu plus de 3 mois et demi, nous déposions l’ancre dans une baie de la Martinique après une première traversée de l’Atlantique en provenance du Cap-Vert.

Ces derniers mois ont été d’une richesse incroyable. Ce voyage n’arrête pas de nous ébahir. Chaque jour ou presque se transforme en découverte. Des lieux, des paysages, des odeurs, des couleurs, bien sûr! Mais aussi (et surtout!) des rencontres, des sillages qui se croisent le temps de quelques heures, de quelques jours ou de quelques semaines.

Aujourd’hui, il est déjà l’heure de rentrer en Europe. Les derniers jours ont davantage été consacrés à la préparation du bateau qu’a l’exploration.

Pour cette transat retour, Pierre et Fanny s’installent à bord alors qu’Émilie et les enfants disent au revoir au bateau… Une dernière soirée tous ensemble hier… Une dernière nuit caribéenne au mouillage de l’ilet Pinel. Nous avons levé l’ancre ce matin à 9h30.

C’est un nouveau chapitre de cette année en voilier qui s’ouvre. Direction les Acores! Un peu plus de 2100 miles nautiques (env 4000 kms) à parcourir avant de retoucher terre… La fenêtre météo est bonne en ce moment. Beaucoup de bateaux effectuent le même parcours que nous. Certains sont partis en mer il y a quelques jours, pour d’autres ça sera dans au cours de la semaine à venir. Pour ce départ nous naviguons bord à bord avec 2 autres bateaux que nous voyons sur l’AIS.

Top Départ!

Position : 19.02.500N 62.13.408W

Moyenne depuis le départ
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
74 miles

JOUR 2

Voilà, nous avons quitté le monde terrestre pour de bon. Plus aucune terre en vue. Nous replongeons tous les 3 ensemble dans cet espace-temps propre aux longues navigations hauturières, là où le temps se dilate et se rétracte à la fois. Nous retrouvons tout doucement ces contrées intérieures qui appellent à la réflexion et à la contemplation. Quel bonheur d’être en mer! Nous nous sentons profondément privilégiés d’être ici!

Les conditions du jour sont aussi excellentes qu’hier. Le vent a un peu forci et adonné. Toujours du Sud Est, 14-15 nds. Honnêtement, le ventilo est mieux réglé qu’à l’aller. Le pilote automatique tient 50 degrés par rapport au vent apparent et nous filons à plus de 7 nds sur l’autoroute des Açores. Cet après-midi nous avions 4 cibles AIS sur notre écran : 2 autres voiliers avec qui nous naviguons quasiment à vue et 2 cargos en provenance de l’Europe. C’est presque pire qu’un retour d’un long week end de Mai sur les routes!

« Même pas cap’ » semblent nous dire les sargasses qui agacent… Alors, justement, on s’est mis à la cape* et là un nuage brun est apparu derrière le bateau. Une fois repartis, nous avions gagné près de 2 nœuds sur le loch**… « RM » et « sargasses » sont des mots qui ne riment absolument pas ensemble et ces 2 là ne font vraiment pas bon ménage sur les océans.    

Un air d’harmonica vient de nous arriver aux oreilles. Fanny, l’équipière aventurière, accompagne le soleil dans sa descente infernale sous l’horizon. C’est une journée qui s’achève en beauté.

Position : 20.29.360N 60.39.333W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
8,49%

JOUR 3

Journée à 30 degrés.

30 degrés, c’est à quelques choses près l’angle de gite du bateau sur l’allure que nous avons aujourd’hui. Nous sommes au « bon plein » dans 17-18 de vent réel (20-22 apparent) et on peut vous assurer que ça dépote du steak! Il faut bien attacher sa tuques, tout mouvement intérieur ou extérieur devient un numéro d’acrobatie aérienne! 7 nds de vitesse, des pointes à 8,5 nds dans une mer un peu formée. Le pont est fréquemment balayé par des centaines de litre d’eau salée…!

30 degrés c’est aussi la température à l’intérieur de la cabine en journée. Impossible d’aérer dans les conditions de navigations actuelles. Il serait trop risqué d’ouvrir un hublot au risque de voir de l’eau s’engouffrer.

30 degrés, c’est enfin le changement de cap effectué en fin de journée. Après une analyse des différents fichiers météo et quelques échanges avec d’autres « transateux » , il nous semble évident que ça ne passe pas par la route directe que nous suivions jusqu’à présent. Une grosse bulle anticyclonique est en préparation sur l’Atlantique et il serait très pénible de devoir passer plusieurs jours englués dans cette zone sans vent.

Pour l’instant, point de problème avec Eole, nous sommes encore dans les Alizés jusqu’à samedi. Le bateau galope comme jamais auparavant sous une demi lune croissante!

Position : 22.42.980N 58.50.452W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
370 miles

JOUR 4

7… 8… Des pointes à 9 nds sur le loch : ça galope franchement à l’extérieur. Cela se fait au détriment du confort à l’intérieur. Ca cogne, ça tape, ça splashe, ca mouille, ça embarde, ça saute, ça tombe, ça casse… Bref, ça n’est pas de la petite croisiere pépère… Ca prend un équipage solide et bien motivé pour endurer ces conditions sur plusieurs jours. Car il faut bien le reconnaître, même si cela nous plait d’être ici au milieu de nulle part, ça n’est pas forcément facile de subir un tel environnement.

Le premier 500 miles de cette traversée a été avalé sans trop s’en rendre compte… Avant (il y a encore quelques mois…), 500 miles paraissaient un sacré Everest à gravir. Aujourd’hui , 500 miles, c’est à peine un « toujours ça de moins à faire… »!

Depuis hier nous faisons route plein Nord. Nous nous éloignons de la route directe pour éviter de rester encalminés dans une bulle sans vent qui s’installe en plein milieu de la trajectoire optimale. Cela rajoute environ 160 miles au compteur des miles à parcourir. Pas vraiment le choix… Nous allons profiter des Alizés jusqu’à samedi soir. « Bye bye le Sud… » Par la suite nous passerons dans un flux d’Ouest moins régulier , moins prévisible, moins confortable et beaucoup moins chaud.

En attendant, nous profitons de nos dernières journées en short/T-Shirt/pieds nus! Le chapitre Antilles touche à sa fin…

Position : 25.02.400N 58.23.130W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
526 miles

JOUR 5

Mais que peut-il bien se passer dans l’eau pour que les conditions soient aussi changeantes…? Autant la nuit dernière a été un petit enfer à cause d’une mer digne de pires routes de Montréal, autant aujourd’hui a été une des meilleures journées de voile depuis un bon bout de temps… Pourtant, dans les 2 cas, le vent souffle sensiblement de la même direction et avec la même intensité entre15 et 20 noeuds… 

Dans ces moments d’inconfort, j’ai une pensée pour Yann Quenet sur son Baluchon de 4m, ce génial illuminé que nous aurons peut être la chance de rencontrer aux Açores si nos sillages veulent bien se croiser. Yann accompagné de son Baluchon termine actuellement un tour du monde à la voile. 

Nous filons actuellement au bon plein à près de 7 noeuds de moyenne en direction du Nord. Pour preuve, les sweats qui commencent à faire leur apparition en fin de journée et les vestes de quarts qui sont de sortie pour la nuit. Quelle étrangeté! 

Le schéma météo reste le même : une dorsale anticyclonique nous arrêtera net dès samedi soir. A partir de ce moment là, la « risée Volvo » prendra le relais et nous accompagnera jusqu’à lundi. Il n’y a pas grand chose à faire mis à part espérer que les modèles météo se trompent tous… et que l’anticyclone nous laisse passer sans trop nous encalminer!

Position : 27 deg 41.048N 58 deg 00.509W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
659 miles

JOUR 6

La scène n’aura pas duré longtemps, elle n’en demeure pas moins cocasse! 

4h du matin. La lune n’a pas attendu le soleil pour aller se coucher. Il fait sombre.

Pierre est de quart, seul dehors dans le cockpit, bien emmitouflé dans sa veste et sa salopette. 

Fanny dort profondément en bas dans le carré. 

Le capitaine est dans sa cabine, assoupi voire endormi. 

Les dernières journées ont été intenses avec un bateau qui avance vite certes mais qui gite et tape beaucoup dans les vagues selon les humeurs changeantes de la mer. Cette nuit est dans la même lignée : 7 nds avec 1 ris dans la GV et le génois complet. Ca galope!

Soudain, Pierre se fait heurté légèrement en arrière de la tête. « Une bouteille d’eau! » pense-t-il immédiatement. « Mais d’où vient cette bouteille d’eau…? Et où est-elle passée d’ailleurs? » Il passe la tête dans la descente et entend un bruit comme une bouteille d’eau taper en bas des marches… 

Au même moment, ca se réveille en sursaut dans la cabine du capitaine. Un bruit, comme une bouteille d’eau qui roule et tape avec énergie d’un bord à l’autre au niveau du plancher de la table à cartes. Le yeux loins d’être alignés avec les trous, le capitaine se lève péniblement pour aller vérifier. C’est la pénombre. D’abord une odeur un peu acide. On ne voit pas grand chose.  « Merde! Ce n’est pas une bouteille d’eau…! C’est une batterie qui semble crépiter sous le plancher… » « Merde, merde, merde… Il y a risque de feu et d’incendie!!! On est vachement loin des cotes, ça craint! »… « Vas-y Pierre mets le bateau bout au vent! Arrête le bateau! La batterie, elle crépite… » 

Moment de stress intense, de flottement…! « Bordel !» « Mais, mais, mais attends, ça sent le poisson on dirait! Drôle de batterie… »

Une lampe de poche entre les mains, Pierre éclaire la zone en question. La lumière rouge dissipe immédiatement les hypothèses farfelues qui nous sont venues spontanément : un très gros poisson volant Kamykaze a fait une incursion des plus remarquées dans le bateau..! A peu de chose près il aller se mettre directement dans la casserole. Chose qui sera faite pour l’apéro!

Outres cette attaque de poisson volant la journée a été riche en rebondissements : Un cargo de 200m de long (Tokyo Pointer) nous est passé à 600 devant l’étrave, une dorade coryphène s’est libérée alors que nous étions sur le point de la remonter, la rencontre d’un autre voilier à destination des Acores, un Tazar péché…

Le vent est tombé, le moteur ronronne et nous avons légèrement obliqué la trajectoire vers l’Est. 

Position : 29 deg 43.281N 57 deg 51.203 W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
815 miles

JOUR 7

Voilà une semaine que nous avons quitté la planète Terre pour vivre cette aventure sur la planète Mer. Nous voici rendus en plein milieu de l’Atlantique! Les Bermudes sont à plus de 400 miles à l’Ouest (740 kms). Le morceau de terre continental le plus proche est… le Canada!

Il est 11h, les traditionnels pancakes du petit déjeuner dominical ne sont plus qu’un doux souvenir pour nos papilles. Après une nuit passée au son des 30 Ch du Volvo Penta, nous coupons le moteur. Le silence s’installe alors que le bateau avance sur son erre pour quelques secondes encore. 

Plus un bruit. Pas un souffle de vent. La mer est d’huile. Les quelques nuages accrochés dans le ciel se dédoublent dans cet immense miroir liquide. Le soleil est presque à son zénith. Ses rayons semblent vouloir percer le mystère de la pureté de ce bleu magnifique. Quel bleu bordel! Quelle profondeur!

C’est sûr qu’avec 5400m de fond ici même sous nos quilles, il ne manque pas de bleu à faire resurgir à la surface!

Allez hop! Ni une, ni deux, maillots de bain enfilés, nous bravons nos appréhensions et sautons tête la première dans cette immensité d’une beauté sans fond! Léger vertige en regardant sous nos pieds. Léger inconfort de se retrouver à quelques mètres de notre fidèle destrier au beau milieu d’un océan. 

Et quelle joie de se sentir pleinement vivants!

Position : 31 deg 07.277N 56 deg 48.517W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
915 miles

JOUR 8

Langueur… C’est le mot parfait pour décrire le rythme actuel à bord. Autant les premiers jours se sont déroulés sur les chapeaux de roues, autant les dernières journées et nuits ont été calmes et apaisantes. 

Ce matin, après de trop nombreuses heures passées au moteur (38 au total!) nous avons finalement plu ou moins réussi à nous extirper de l’emprise de l’anticyclone… 5-6 noeuds de vent et nous nous sentons les rois des océans. C’est à dire qu’après le week end de pétole que nous avons connu, la moindre brise fait office de souffle nouveau et nous remplit d’espoir. 

Il nous est maintenant possible de faire route directe sur les Açores. Nous avons donc mis le clignotant à tribord en début de matinée et à partir de maintenant chaque mile parcouru est un mile complet en direction de notre destination finale. 

Peu de vie marine autour de nous. Juste quelques oiseaux pour lesquels notre présence ne fait aucune différence. Les sargasses qui agacent font toujours partie du décor, néanmoins leur densité a grandement diminué. Les poissons volants ont totalement disparu depuis hier, signe que nous avons bel et bien quitté les tropiques.

Position : 31 deg 55.819N 55 deg 10.403W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
1011 miles

JOUR 9

Voilà, nous sommes à mi parcours. Déjà!

La mi parcours, c’est autant la fin du début que le début de la fin. C’est la satisfaction d’une première partie bien accomplie et l’excitation de ce qu’il reste à venir. Ce point de bascule ou d’équilibre ne serait-il pas un peu le meilleur des 2 mondes? Un peu comme dans la vie…?

Mais il faut rester concentrer avant toute chose! Neptune nous a laissé passer sans encombre jusqu’à maintenant et il s’agit de ménager monture et équipage pour arriver à bon port à l’issue de cette 2ème mi temps. 1152 miles nautiques (2133 kms) à parcourir. Les écueils sont encore nombreux et les avaries possibles. L’accident aussi arrive vite.

Sur l’ordinateur , la cartographie se pare d’une multitude de pastilles colorées. Une couleur par bateau. « Helios » en turquoise, « Escapade » en rouge, « Immram » en bleu, « Osky » en gris, « Maris Stella » en vert… Autant de bateaux qui font la traversée plus ou moins en même temps que nous et avec lesquels nous échangeons. Chaque pastille est une position glanée au fil des messages péniblement reçus sur l’iridium. Les trajectoires sont souvent proches mais toujours un peu décalées dans le temps. Les sillages de croisent au grès des choix de chacun. Tiens , « Hélios » est passé par ici il y a 3 jours… Et la veille c’était « Immram » qui naviguait dans le coin. Étrange sentiment que celui de partager nos solitudes dans ces lieux insaisissables… Nous ne sommes que de passage…

Position : 32 deg 24.517N 52 deg 59.616 W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
1127 miles

JOUR 10

21h heure locale. Le premier quart de nuit vient de débuter. Il pleut. Il fait nuit noir.  Le vent souffle à 18-20 nds rafales à 25. La mer est agitée : creux d’un mètres cinquante à deux mètres. 

Nous subissons les effets d’une première petite dépression depuis notre entrée « officielle » dans l’Atlantique Nord il y a quelques jours. Le ciel gris du front chaud nous a rattrapé en milieu d’après midi. Depuis, les conditions ne cessent de gagner en intensité. 

Nous sommes vent arrière avec une configuration « voiles d’avant » uniquement : génois tangonné à tribord et gennaker ou trinquette à bâbord selon les conditions du moment. La GV (grande voile) est rangée. Le bateau file ainsi tiré par l’avant. Très sécuritaire et relativement confortable. 

Le RM avance magnifiquement bien dans ces conditions. Le cap est au Nord-Est. La journée s’est déroulée entre 6 et 7 noeuds, parfois 8 ou 9 dans certains surfs. À ces vitesses, le safran entre légèrement en résonance et le bateau « ronronne ». 

Il fait nuit noire. Une rafale a 25 nds. Le bateau est désormais passablement chahuté par des vagues moins disciplinées. Un surf à 8,2 nds. Dans notre sillage, le plancton bioluminescent s’illumine. Il pleut. Nous sommes au beau milieu de l’Atlantique, à plus de 700 miles nautiques (1300 kms) de toute terre. Et pourtant un sentiment de grande sérénité nous habite.

Position :  33 deg 30.943N 50 deg 22.720 W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
1278 miles

JOUR 11

La dépression est désormais partie par en avant. Elle a laissé la mer tel un champs de bataille après le combat. Ce matin on se serait cru naviguer sur les plus mauvaises routes de Montréal, les cônes orange en moins…

Pas de casse sur le bateau, tout au plus un peu de rangement et de fatigue à déclarer à bord. Nous sommes chanceux ou prudents. Peut être même les deux à la fois.  

Au cours des deux derniers jours, plusieurs  bateaux avec qui nous communiquons régulièrement ont subi des avaries plus ou moins graves. 

Ceux qui s’en sortent le mieux ont simplement cassé une drisse de GV ou de gennaker. Embêtant mais pas la fin du monde… Ça fait presque partie de l’usure normale à l’issue d’une intense saison de voile. 

Plus problématique, un autre voilier a cassé sa bôme : GV inutilisable pour terminer cette transat retour. 1200 miles à parcourir avec pour seule voile le génois…

Enfin, et beaucoup plus grave, un de nos bateaux copains en avant de nous a connu un accident sérieux à bord. Skipper évacué par cargo puis hélicoptère vers l’hopital de Terceira aux Açores. Maman restée à bord avec 3 jeunes enfants et plus de 500 miles en avant de l’étrave pour rallier l’archipel. Ouf…! 

Tout est désormais sous contrôle pour tout le monde. Que cela nous serve de rappel, s’il le fallait, que nous devons rester humbles et prudents face aux éléments. 

Pour clôturer cette journée, des dauphins sont venus agrémenter un coucher de soleil déjà magnifique.

Position :   34 deg 25.013N  47 deg 50.501 W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
1421 miles

JOUR 12

Cette transat ressemble de plus en plus à la chanson du déjanté mais génial Philippe Katerine. Vous savez, cette chanson dans laquelle il coupe le son… puis le remet… puis le recoupe… puis le reremet… Oui! Celle là même qui reste en tête pendant toute la journée… « … et je remets le son…!!! »

Et bien donc, cette transat c’est la même chose avec le vent. 

Au début on s’est élancés avec du bon vent, parfait pour bien faire danser nos voiles. Nous avalions les miles. 

Puis nous sommes tombés dans une dorsale anticyclonique qui nous a poursuivis tout le week end dernier : pétrole contre pétole!

Lundi nous retouchions du vent associé à notre première dépression de l’Atlantique Nord. Ça dansait fort autant à l’intérieur qu’à l’extérieur! C’était la fête du mile sur le carnet de bord!

Et puis aujourd’hui à nouveau plus rien, la musique du vent s’est une nouvelle fois arrêtée. Plus aucune pression dans les voiles pour nous faire avancer… Nous sommes à peine poussés par une brise de 6 nds de vent arrière… Le plancton bioluminescent de ce soir s’éloigne dans notre sillage à moins de 2 nds… Spectacle hallucinant! La risée Volvo peut encore bien attendre quelques temps… 

Ce n’est pas tout fait comme ça que nous imaginions le milieu de l’Atlantique… Mais nous savourons ces moments précieux et si particuliers. Personne à bord ne semble vraiment pressés de poser le pied à terre. 

Chacun de nous a fait sien le dicton suivant : « Plus que la destination, c’est le voyage qui compte ». 

Position : 34 deg 53.326 N 45 deg 34.099 W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
1539 miles

JOUR 13

L’équipage parfait existe-t-il…? 

Quelle question idiote! Bien sûr que non! 

Cependant sur le « Fils du Vent », les équipiers à l’œuvre ont souvent très bien travaillé ensemble. Depuis la Grèce en famille et lors de la première traversée de l’Atlantique en Janvier entre père et fistons  les choses ont bien fonctionné. 

Sur cette transat retour, réputée un peu plus compliquée que les navigations précédentes, notre equipage s’accorde particulièrement bien. 

Pierre et Fanny, qui ne se connaissaient pas 48h avant de s’installer à bord, ont rapidement trouvé leur place et leurs marques sur le RM qu’ils ont découvert la veille du grand départ!

Depuis nos débuts ensemble, les manœuvres sont exécutées en toute fluidité et dans la plus grande sérénité. Peu de mots suffisent pour que chacun comprennent ce qu’il a à faire. C’est simple, efficace et terriblement rassurant en tant que capitaine. Chacun de nous a un bon bagage nautique qui explique peut être cette facilité! 

Cela fait toute la différence lors des quarts de nuit lorsque les conditions se révèlent un peu sportives. Savoir que « là-haut » quelqu’un assure permet de mieux dormir sur ses deux oreilles. 

La vie à bord est aussi d’une fluidité étonnante pour des « inconnus » qui ne le sont plus. En journée, chacun vaque à ses occupations sans trop empiéter sur la bulle des autres. C’est tout simplement agréable de constater une telle harmonie et tant de respect. 

La recette magique de cet équipage réside peut être aussi du côté de la cuisine. Je dois vous l’avouer haut et fort : nous sommes l’équipage le mieux nourri de tous les bateaux qui effectuent la transat retour 2022! Aucun doute là-dessus! 

Pierre et Fanny font des prouesses culinaires peu importe les conditions du jour. C’est simple à résumer : c’est toujours délicieux et très santé! J’essaye de rivaliser avec mes pauvres recettes mais ils doivent bien rigoler! Au final, il n’est pas exclu que nous arrivions à destination un peu plus joufflus qu’à notre départ de St Martin! 

Voilà, il fait nuit noire. Le bateau file à plus de 7 nds sous gennaker sur une mer quasiment plate. Mes deux équipiers dorment profondément avant de prendre leur quart d’ici quelques heures. Je réaliser pleinement la chance de les avoir à bord avec moi pour cette longue navigation. Que du bonheur!

Position : 35 deg 04.849N 42 deg 40.235 

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
1681 miles

JOUR 14

Il y a de l’électricité dans l’air! 

Soyez rassurés, point de dispute à l’horizon au sein de l’équipage suite au petit billet d’hier…!

Non, ce soir le ciel a simplement décidé de nous offrir un spectacle son et lumière. Nous naviguons entourés d’orages et les éclairs déchargent leurs éclats de blancheur dans la noirceur de la nuit. Il est impressionnant de se retrouver ici en plein océan et de se sentir aussi insignifiants. À bien y réfléchir nous n’avons peut être rien à faire ici. Cependant nous nous sentons pleinement à notre place dans l’instant présent sur notre petite coquille de bois. 

Une grosse dépression s’est formée en plein milieu de l’Atlantique. Sa trajectoire est particulièrement Sud pour la saison. Certains équipages en arrière de nous vont en faire les frais. Depuis hier nous « surfons » le coin Sud Est de ce système (cf carto sur notre blog) et engrangeons les miles à des moyennes rarement vues depuis le début de cette aventure. 

D’un point de vue météo notre position est idéale pour nous mener à destination sur ce bord. Nous faisons actuellement une trajectoire très Est afin de profiter de la bascule de vent qui réorientera notre étrave en direction de Flores d’ici quelques heures. Le pilote automatique réglé en « mode vent » ne fera qu’accompagner le changement de direction du flux d’air. 

Nous « faisons » notre météo nous même depuis le début de ce voyage. Pour ces longues traversées certains équipages font appel aux services de « routeurs » pro qui analysent la météo et font parvenir aux bateaux en mer une trajectoire optimale qui prend en compte les zones avec et sans vent. 

Notre vision des choses est différente et nous avons plutôt décidé d’investir une partie de notre budget dans un « Iridium GO » et son forfait data illimité. Oui, c’est un service très cher mais, à nos yeux ,cela est un élément de sécurité incontournable. Ce modem satellite nous permet de télécharger plusieurs fois par jour les fichiers GRIB et d’analyser la météo à venir. Les modèles sont en général assez fiables et il s’agit là d’un exercice passionnant qui peut occuper plusieurs heures de nos journées. Cela nous donne aussi le sentiment de décider pour nous même la trajectoire à suivre. En effet les décisions doivent prendre en compte plusieurs paramètres (état du bateau, fatigue de l’équipage entre autres) dont un routeur n’a pas forcément conscience. 

Toujours est il que ce soir nous sommes encore sur des moyennes hautes malgré les orages qui nous pompent un peu l’air! Le spectacle est saisissant!

Position : 35 deg 40.541N 39 deg 26.015W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
1857 miles
Image tirée du web - Crédit Serge Zaka

JOUR 15

Hier nous débutions le billet quotidien par l’expression : « il y a de l’électricité dans l’air ». 

Bien malin celui ou celle qui aurait pu prédire que moins de 24h après avoir prononcer cette petite phrase anodine, nous serions confrontés à un petit problème d’énergie à bord du Fils du Vent…?! 

Pour vous résumer la situation, nous avons 3 sources d’énergie pour couvrir nos besoins en électrons. 

La source principale sont les 2 panneaux solaires. Depuis l’automne dernier et l’ajout d’un second panneau nous avons 230w de solaires. Ce n’est pas énorme puisque nos besoins sont limités. Le problème du panneau c’est que dès que c’est un peu couvert (ça a été le cas dans les derniers jours), le rendement chute énormément. Nous avons aussi constaté un manque d’efficacité de ce système et nous devons investiguer les causes. 

L’éolienne, installée à l’automne, est une autre source d’énergie. Nous en sommes très satisfaits même si les rendements obtenus sont toujours décevants (c’est le cas de pratiquement toutes les éoliennes). Pour résumer elle fournit adéquatement avec environ 15 nds de vent apparent.

La 3 eme source d’énergie se trouve dans le moteur du bateau : l’alternateur. Nous pouvons faire tourner le moteur sans embrayer et cela nous permet de transformer du gasoil en électrons! Magie!

Mais lorsque le moteur a des problèmes, alors nous sommes privés de cette sources d’énergie terriblement efficace… 

Et c’est bien malheureusement notre cas depuis ce soir. Nous avons démarré l’engin mais il nous est impossible de tenir un régime moteur au dessus du ralenti sans que l’aiguille des RPM ne redescende au mimimim voire plus bas…

Les batteries étant un peu basses nous sommes donc en grosse diète d’électrons à bord. Seuls le pilote, les lumières de nav et les instruments continuent d’être alimentés pour la nuit. Le frigo, les chargeur d’ordi, d’iridium, l’éclairage etc sont bannis jusqu’à nouvel ordre pour préserver les batteries. 

Sans moteur, la question de la manœuvre au port se pose également car il nous arrivera un jour d’arriver à destination. Nos plans pourraient d’ailleurs être modifiés en fonction de l’évolution de la situation. 

Demain c’est journée mécanique! 

À demain pour la suite!

L’équipage 

Position :    36 deg 29.525 N  36 deg 44.362 W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
1997 miles

JOUR 16

« Il n’y a pas de problèmes, il n’y a que des solutions! »

Hier soir nous vous laissions sur un problème d’énergie lié à des soucis de moteur… La journée a donc été consacrée à diagnostiquer la cause du problème… Bleu de travail et clé de 12 comme attirail à bord du Fils du Vent aujourd’hui! 

Pour faire court et ne pas trop rentrer dans les détails techniques, nous avons simplement dû réamorcé le système de gasoil qui s’était partiellement rempli d’air. Le pourquoi du comment, aucune idée… À surveiller!

MAIS… Cela aurait été bien trop simple de régler le problème aussi rapidement. Lors des essais moteur, nous avons constaté que le moteur ne « crachait » plus du tout d’eau par l’échappement. Et ça, c’est un très gros problème puisque dans ce cas là le moteur n’est plus du tout refroidi et le risque de surchauffe est réel! 

Ni une ni deux, le circuit d’alimentation en eau de mer est démonté pour constater que le rouet de la pompe à eau s’est désintégré! Pourtant hier soir encore ce système était fonctionnel. 

Donc changement du rouet en pleine navigation. Heureusement nous avions une pièce de rechange à bord et une mer calme pour travailler. Sacré coup de chance de régler préventivement un problème aux conséquence potentiellement très graves (perte du moteur par surchauffe). 

Bref, les essais moteur ont été concluants et nos problèmes de mécanique et d’énergie semblent réglés… Jusqu’au prochain épisode!

Nous vous laissons là dessus! Il fait nuit noire, l’univers étoilé au dessus de notre tête de mât, nous sommes au près serré dans une dizaine de nds de vent, nous faisons cap direct sur notre destination et quelques dauphins viennent de se rapprocher du bateau… Nous ne les discernons pas mais nous les entendons respirer et sauter.

« Tous ces petits moments magiques de notre existence » A. Souchon 

Position :     37 deg 14.286 N  34 deg 29.276 W

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
2120 miles

Jour 17

Dernière nuit complète sur l’eau pour l’équipage… 

Déjà… 

Alors que nous venons presque de partir… 

Un peu plus tôt aujourd’hui, Pierre a posé une excellente question : à partir de quand ça devient trop long? 

Nous sommes tous les 3 restés sans réponse claire… 

Pas encore, pour aucun de nous, en tous les cas…

Notre sentiment profond , c’est que l’espace temps n’est pas le même dans notre capsule flottante à l’abris, ou presque, de toute interférence terrestre. 

Les jours se succèdent, se ressemblent, se fondent les uns dans les autres. La chronologie des événements n’est plus évidente. Pour les certitudes, le livre de bord fait foi. 

Même l’horloge de bord a perdu la notion du temps… Au fil de notre progression vers l’Est, l’heure s’est égarée dans un fuseau horaire quelque part entre les Caraïbes et l’Europe. Il n’y a personne pour remettre les aiguilles à l’heure…

Aurions nous du mal à envisager d’arriver à notre destination…? Souffririons-nous, avant même d’arriver, d’une certaine forme du mal du grand large…? Serions nous devenus addicts des éléments? Cette ligne sans fin qu’est l’horizon serait-elle devenue notre destination de prédilection? 

Poser ces questions c’est peut être déjà un peu y répondre… 

 À demain!

L’équipage 

PS : Notre destination est désormais HORTA, arrivée prévue dans la nuit de jeudi à vendredi.

Position : 37 deg 33.860 N 31 deg 43.821 W

Vitesse moyenne dernières hrs
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
2252 miles

Jour 18

Terre! Terre! Terre!!! 

Nous sommes encore à 50 miles de l’arrivée mais nous discernons déjà les contours du sommet Pico…

Le GPS ne s’est donc pas trompé! Nous sommes bel et bien en approche finale sur Horta. Derniers ajustements de cap afin de nous aligner sur le canal qui sépare l’île de Faial et l’île de Pico. 

Alors que l’AIS est resté assez discret au cours des dernières 2 semaines, nous voilà entourés de plusieurs cibles se dirigeant toutes vers Horta. L’effet “entonnoir” divulgue d’autres voiliers qui ont effectué cette traversée : Skyfall, Shanti, Milonga, Triple A, Early Bird… Autant de marins qui arrivent au port et que nous croiserons probablement au bar un peu plus tard…

Le vent souffle à 15 noeuds rafales à 20, le bateau se fraye un sillage à 7-8 noeuds dans une mer aux reflets de terre. Nous ralentirons en début de nuit afin d’avoir un peu de lumière pour la manœuvre au port. Nous ne sommes pas à quelques heures près. 

Nous regardons en arrière loin sur l’horizon. Il nous semble que St Martin se trouve juste en arrière de la dernière vague tout au fond. Le thermomètre est pourtant en  totale contradiction avec cette illusion. Les 20 degrés de latitude gagnés sur la carte ne le sont pas pour nous. Depuis quelques jours, salopettes et vestes sont de rigueur presque toute la journée… 

Cette traversée s’achève. Déjà. Nous prenons la barre pour profiter de ces quelques heures avant l’atterrissage. Espérons qu’il se fasse tout en douceur…

L’Equipage

Position : 38 deg 14.252 N 29 deg 00.523 W

Vitesse moyenne dernières hrs
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
2392 miles

Arrivée

Alors voilà! Tout a une fin. Surtout les bonnes choses.

Nous avons déposé l’ancre dans le port d’Horta à 5:30 du matin alors que l’aube pointait le bout de son nez et que le mont Pico se dessinait petit à petit dans la lumière de ce nouveau jour.

Deuxieme traversée de l’Atlantique en 5 mois. Experience tout aussi riche que la première mais aussi très différente. Neptune a été plutot sympa avec nous mais il est évident que ce retour est un peu plus pimenté que l’aller.

L’experience humaine est aussi à la hauteur du défi « sportif » et là aussi nous avons été choyés. Merci à Pierre et Fanny pour leur joie de vivre, leur compétence en tant que marins et leur incroyable talent du coté du Galley! Vraiment merci, je crois qu’on a fait un trés bel équipage sur cette traversée!

Il est désormais temps d’aller explorer les Açores. Changement d’ambiance, changement de décor et changement de température mais tout cela est prometteur de belles découvertes aussi!

Le capitaine

La transat en quelques chiffres :

Miles parcourus : 2519 Nm
Temps de traversée : 17 jours et 16 heures
Moyenne : 5, 94 noeuds
Poisson pêché : 1 (sans compter les poissons volants…!)
Leurres perdus : Environ 5
Bateaux croisés : trop pour garder le compte…
heures de sommeil en retard : trop…!

Vitesse moyenne dernières hrs
0 nds
Distance parcourue sur 2519 miles
2519 miles

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