Transatlantique : Cap Vert – Martinique

JOUR 1

 

Aujourd’hui, on traverse l’Atlantique!

Ben oui, voilà, c’est le grand jour! Y’a plus qu’à… C’est chouette ce sentiment de voir un rêve se réaliser! Surtout un rêve de liberté quasi absolue alors que ce n’est pas vraiment la tendance du moment à travers la planète…

Hier (mercredi 6 janvier), nous avons quitté Mindelo en début d’après-midi pour une dernière étape Cap Verdienne histoire d’amariner le nouvel équipage du bord. En effet, il était prévu de longue date que cette traversée se fasse avec un équipage modifié : Émilie et les enfants traversent en avion alors que Grand Père (propriétaire du bateau) et Maxime embarquent pour vivre cette aventure en famille.

Nous avons donc appareillé ce matin à 10h exacte du mouillage de Tarrafal de Santo Antao après un petit déjeuner englouti rapidement, un petit ménage succinct et une inspection expresse de la coque pour s’assurer qu’on n’avait pas perdu des morceaux dernièrement… :wink:

L’entrée en matière aura été plutôt sportive. Dès que nous avons réussi à nous dégager de la zone sous le vent de l’ile de Santo Antao, nous avons été confrontés à des conditions plutôt fortes et assez désagréables provoquées par le phénomène d’accélération interilaire. Un grand classique… Le vent qui passe de 5-6 Nds à 25-30 Nds en quelques minutes.

Heureusement, nous avions prévu le coup et anticipé cette survente soudaine. Un long moment nous avons été dans une configuration : 3 ris + trinquette. Le pilote automatique étant totalement dépassé par les événements sur certaines vagues, nous nous sommes relayés à la barre. Nous ne faisions guère mieux. Ces conditions ont persisté jusqu’en milieu d’après-midi avant que les alizées reprennent leurs droits et que nous revenions dans des conditions un peu plus établies. Nous sommes actuellement ” en ciseau » genois et GV haute.

Jusqu’à dimanche nous ferons route au Sud Ouest afin d’éviter une grosse bulle de calme prévue dans les environs du Cap Vert les prochains jours. Nous espérons échapper à cette zone un peu molle car pire que trop de vent, c’est pas de vent du tout…!

Moyenne depuis le départ
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
42 miles

JOUR 2

Le soleil se couche sur cette parcelle d’océan Atlantique.

Les dernières 24h ont été efficaces à défaut d’être reposantes. Depuis hier soir, nous bénéficions de la constance des alizées : 18-20 nds du Est-Nord-Est rafales à 23-25 nds. Jusqu’à présent nous étions sur un cap 230 degrés en configuration ciseau. Cette trajectoire nous permettra d’éviter la zone de calme qui se trouve sur la route directe à l’Ouest du Cap Vert.

Nous venons d’empanner pour mettre le cap plein Ouest. La configuration ciseau est toujours d’actualité et ce bord est légèrement plus confortable que le précédent. Désormais chaque mile parcouru est un mile complet en moins vers notre destination. Ça fait du bien de voir notre trajectoire aller directement sur notre cible!

En ce 8 janvier, Maxime fête ses 34 ans! Un autre anniversaire célébré à bord du Fils du Vent. On a mis les petits plats dans les grands en sortant une boite de pâté Hénaff ; notre foie gras local pour nous autres bigoudens! Max a soufflé la bougie qui trônait en plein milieu d’un brownie/banane/chantilly. Ca n’est pas tous les jours que l’on fete son anniversaire en plein océan!

Autre fait marquant du jour, nous avons péché une superbe dorade coryphène. 5kgs à la pesée! Ce poisson était un grand sportif ; c’est lors de nos surfs à plus de 10 nds du début d’après-midi que nous l’avons ramené à bord. Des protéines fraiches pour les prochains jours!

Nous entamons notre début de nuit… Le bateau file à 6-7 nds poussé par la longue houle. +25c en cabine. Tout va bien!

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
8,6%

JOUR 3

La nuit a été un peu bizarre et la journée le fut tout autant…

Les quarts de nuit se sont bien passés, nuit calme… Sauf vers 3h30 du matin, lorsqu’une rencontre improbable avec un bateau de pêche Cap Verdien nous sortira un peu de notre léthargie nocturne.

Nos routes étant convergentes et à la suite d’un petit appel VHF, nous avons décidé de manœuvrer afin de passer en arrière du bateau de pêcheurs. C’est quand même un peu fou de se retrouver à éviter un autre bateau aussi loin des côtes… Il faut croire que L’Atlantique n’est pas suffisamment grand pour naviguer tranquillement!

Depuis hier midi, nous ressentions des vibrations anormales en provenance de l’hélice du moteur (à l’arret). Nous avions même décidé de la bloquer alors qu’elle reste normalement libre lorsque nous naviguons sous voile. Depuis ce matin, le bateau avait aussi un comportement un peu pataud, pas tout à fait dans le comportement normal des RM…

En début d’après-midi, nous décidons d’immerger une caméra pour inspecter la coque. En arrêtant, le bateau, un nuage de sargasses remonte à la surface. L’explication est là, il ne faut pas chercher plus loin… Le bateau a instantanément retrouvé sa légèreté et nous retrouvons facilement les 2-3 nds que nous avions perdus à cause des sargasses.

Notre cap actuel nous fait remonter très légèrement au Nord. Les prochains jours s’annoncent mous… Cela va permettre de tester un peu la patience de l’équipage!

En cette fin de journée, nous apercevons un autre voilier à notre tribord à environ 2-3 miles. Légère excitation de se retrouver à vue avec un autre plaisancier avec lequel nous pouvons échanger à la radio au beau milieu de cette immensité… Nous passons devant son étrave à moins de 200m…! Quel hasard quand même!

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
302 miles

JOUR 4

En étant aussi éloignés des côtes, on pourrait s’attendre à être seuls au monde… Mais non… Depuis le milieu de la nuit nous naviguons côte à côte avec le catamaran (Damiro) croisé hier soir. A peu de choses près, nous avançons sur les mêmes caps avec les même vitesses… Pour le côté « seuls au milieu de l’océan » on repassera…

Les mots se finissant par « *asse » sont rarement très élogieux. Nous commençons à penser que le nom « sargasse » pourrait bientôt venir étoffer notre vocabulaire péjoratif voire injurieux tant ces algues nous enquiquinent actuellement. Il y en a absolument partout depuis hier et cela nous ralentit d’au moins 1 ou 2 nds.

Toutes les 2-3 heures, nous sommes obligés de mettre le bateau en marche arrière afin de nous débarrasser des paquets d’algues qui se mettent dans les apendices du bateau (quilles, safran et hélice). La manœuvre se fait facilement à la voile mais ça n’est franchement pas idéal.

Ce matin, nous avons remonté à bord un paquet de sargasses pour les voir d’un peu plus près… A notre grand étonnement, ces algues de surface abritent une faune dont on ne se doutait pas : mini crevettes et crabes notamment… Pas étonnant que les poissons volants pullulent avec un garde manger infini à portée de nageoire!

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
423 miles

JOUR 5

5h du matin, la nuit est désespérément noire. Rien dans les cieux. Pas un astre, pas une lune. Sans aucun repère, nous avançons en aveugles sur cette océan aux allures de néant. Seuls les sons et les accélérations nous donnent une indication de ce qui se trame autour de nous…

Pourtant, au fur et à mesure que la pupille s’écarquille, la lumière surgit. Ce soir les rôles sont inversés : le ciel est devenu abysses, l’eau lumière. Tout ou presque à la surface aquatique émet des photons en quantité plus ou moins variable.

Jamais je n’ai vu notre sillage aussi éclatant : une voie lactée nous poursuit avant de s’évanouir au loin. Quelques vagues déferlent gentiment autour de nous. Ce n’est pas de l’écume mais une brève coulée lumineuse qui en jaillit. Les poissons volants sont aussi de la partie, leurs envols hasardeux émettent une gerbe d’étincelles à chaque tentative de fuite. Les sargasses qui agacent complètent ce tableau avec leur longues avenues éclairées qui trahissent la vie qui s’y déroule…

La journée a été monochrome, monocorde et décevante. Les Alizés sont en panne depuis un grain ce matin. La zone de calme nous a finalement rattrapés. Les conditions sont désormais molles et très instables. Si on le souhaitait, on pourrait faire 40000 changements de configuration par jour pour s’adapter à chaque saute d’humeur d’Eole… On préfere jouer la carte de la simplicité. Les prochaines heures vont mettre nos nerfs a l’épreuve. Il est dommage de ne pas pouvoir faire naviguer notre belle carene à son plein potentiel… On ne fracassera aucun record sur cette traversée!

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
550 miles

JOUR 6

Comme prévu, la nuit dernière n’a rien eu de dantesque… Les Alizés se sont effondrés en tout début de soirée et les quarts de nuit se sont déroulés dans un calme inhabituel mais bienvenu. Devant l’impatience d’une partie de l’équipage la « risée Volvo » s’est déclenchée au beau milieu de la nuit. Il est vrai qu’entre un vent quasi inexistant et des sargasses qui agacent, notre vitesse prenait une sacrée claque…

Au petit matin, le ventilateur s’est remis en route tout en douceur. Des dauphins d’une vivacité surprenante sont venus relancer la machine avec nous. Au fur et à mesure de la matinée, les conditions n’ont cessé de s’intensifier jusqu’à atteindre une petite quinzaine de nœuds. Parfait! Le gennaker et le génois tangonné nous font avancer confortablement sur une route désormais plein Ouest. Pour couronner cette belle journée de voile, des globicéphales sont venus nous accompagner sur quelques miles… Sacrées bestioles!

6 jours complets que nous n’avons pas aperçu la terre. 6 jours complets que nous sommes coupés du monde. Nos journées sont simples et les routines se sont solidement ancrées au sein de l’équipage. Outre la marche du bateau, nous dévorons les livres, nous nous abreuvons de podcasts et de nos playlists. Nos réserves de divertissement viendront à manquer probablement plus rapidement que nos denrées alimentaires. C’est peut-être préférable ainsi d’ailleurs.

Nous avons perdu la trace du catamaran rencontré l’autre jour. Cependant nous croisons un navire par jour au minimum depuis notre départ. Hier un navire de pêche asiatique (Shoshinmaru No82) qui filait à vive allure, cette nuit deux cargos en direction de l’Amérique du Sud. Ce soir, un gigantesque pétrolier de près de 300m (Star Energy) en direction de l’Espagne. Il est amusant d’imaginer les routines qui prennent place à bord de ces différents navires aperçus à l’horizon…

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
651 miles

JOUR 7

Jusqu’à ce matin notre stratégie météo consistait à contourner la zone de vent calme qui s’est formée à L’Ouest du Cap Vert. Notre approche avec une route très Sud semble avoir été plutôt bonne. Nous avons échappé à la pétole et sur ces premiers jours de nav le moteur n’aura fonctionné qu’une petite heure en mode « propulsion ».

Fini le niaisage, maintenant nous sommes un peu plus « libres de choisir notre route » (dis donc, on dirait presque un mauvais titre de Jean-Jacques Goldman ca…! ). A moins d’un changement radical dans les prévisions, nous devrions avoir un vent constant et modéré pour la semaine à venir. On s’en réjouit car cela va nous permettre d’exploiter le bateau comme il se doit!

Ça n’est pas forcément une évidence mais la route la plus courte n’est pas la ligne droite… Sur une sphère comme notre planète et sur d’aussi longues distances la route orthodromique est celle qui nous fera parcourir le moins de miles. Nous allons donc essayer de suivre ce chemin à partir de maintenant. Pour cela, nous devons commencer par un cap aux alentours du 295 degrés. Cette valeur diminuera légèrement au fur et à mesure de notre progression vers l’Ouest. C’est loin d’être intuitif mais c’est ainsi!

Ce matin nous avons changé de configuration de voiles. Nous sommes passés d’un combo « Gennaker + Génois tangonné » propice à une allure de vent arrière à une configuration un peu plus classique « GV + gennaker ». Cette dernière combinaison fonctionne au mieux avec un vent apparent à 120 degrés… Et comme par hasard (qui n’en n’est pas vraiment un…) cela nous donne un cap d’environ 295 degrés. C’est magnifique!

Le bateau est actuellement calé sur son bouchain (ne cherchez pas, il ne s’agit pas d’une contrepèterie…) et avance à 6,5-7 nds dans une quinzaine de nœuds de vent. Cela annonce des moyennes très acceptables prochainement! On ne lache rien!

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
784 miles

JOUR 8

« Au beau milieu de nulle part… ».

Pour nous, cette expression n’a jamais été aussi pertinente qu’aujourd’hui. Analyse de texte…

Beau : Oui c’est vraiment beau par ici! Vous allez nous dire qu’il n’y a rien d’autre à voir que de l’eau à perte de vue… Eh bien justement, la beauté prend son sens dans l’immensité de ce paysage sans frontière, dans les 5106m de ce bleu incroyablement profond, dans l’énergie qui se dégage des vagues qui s’entrechoquent les unes contre les autres, dans le scintillement éclatant de l’eau lorsque le regard se pose en direction du soleil, dans le vol de ces petits oiseaux noirs inconnus qui peuplent ces contrées éloignées…

Milieu : Connaissez-vous le point Némo, cet endroit sur la planète (océan Pacifique) qui représente le lieu le plus éloigné de toute terre? Aujourd’hui, nous sommes plus ou moins arrivés à notre « point Némo à nous »… Nous nous situons à équidistance (environ 850 miles nautiques = 1575 kms) du Cap Vert en arrière de nous et l’extrême Nord du Brésil dans notre Sud Ouest. Attention, cela ne veut pas dire que nous avons déjà atteint la moitié de notre navigation. Nous n’y sommes pas encore…

Par un hasard bien fortuit, cette journée représente également le milieu de cette année en voilier. Nous avons commencé cette aventure le 1er Aout dernier, elle prendra fin le 30 juin prochain. En ce jour du 14 janvier, nous faisons le souhait que la 2eme période de ce périple sera aussi riche et intéressante que la 1ère…

Nulle part : Il faut bien le reconnaitre, c’est quand même un peu paumé comme coin… Dans ce genre d’endroit, la notion d’espace prend une autre dimension quand on y réfléchit bien… En ville, en campagne, il y a toujours un bâtiment, un arbre, quelque chose pour se situer, se repérer. Mais en ce point bien précis en plein océan Atlantique quels éléments caractérisent ce lieu? Rien. Il n’y a rien qui le différencie d’un autre point à 10, 20 ou 50 miles d’ici au Sud, au Nord, A l’Est ou à L’Ouest. Ici et nulle part à la fois…

Nous sommes bel et bien « au beau milieu de nulle part »…

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
920 miles

JOUR 9

Histoires de pendules…

Toute la nuit, ça n’a pas arrêté… Nous étions dans une zone où coexistaient (s’affrontaient?) 2 petites houles bien distinctes. Des heures durant, elles nous prenaient de biais par le tableau arrière. Nous faisions cap à l’Ouest, l’une arrivait du Nord-Nord-Est et l’autre du Sud-Est. Elles n’étaient pas grosses mais plutôt courtes si bien qu’à peine le bateau redescendu d’une vague du NNO, il se faisait immédiatement reprendre par une vague du SE et ainsi de suite… Le vent était faible et notre mat faisait des grands mouvements d’un bord à l’autre… Un vrai pendule. Entrainées dans cet élan, les voiles perdent toute leur portance et nous notre patience… Très inconfortable!

Aujourd’hui, nous avons franchi le cap symbolique des 1000 nautiques parcourus. Cela fait du bien au moral! Depuis quelques jours, certains indices nous laissaient penser que nous progressons bel et bien vers l’Ouest : le dernier quart de nuit s’achevait avant l’aurore, l’heure de l’apéro arrivait alors que le soleil était quand même franchement haut dans le ciel et le jour se couchait à des heures pas possibles… Nous avons donc décidé de remettre notre pendule à l’heure en reculant nos cadrans d’une heure!

Il a également fallu gentiment remettre les pendules à l’heure au sein de l’équipage… Non, nous ne sommes pas partis pour une traversée de 3 jours, non nous ne savons pas à quelle heure de quel jour nous allons déposer l’ancre au fond de l’eau… Alors il est inutile de faire le décompte des miles parcourus et à parcourir toutes les 4h en pronostiquant notre arrivée… Cette expérience est unique et la nostalgie nous gagnera surement très vite après avoir mis le pied à terre alors il nous appartient d’en profiter à chaque instant!

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
1051 miles

JOUR 10

« Tu vas voir, les Alizés c’est l’autoroute des vacances, ça avance tout seul »… C’est ce qu’on nous avait dit à plusieurs reprises lors de la préparation de ce voyage.

Foutaise!

Il n’y a aucune constance, aucune régularité! C’est du grand n’importe quoi!

La journée d’hier est la seule qui aura ressemblé à ce qu’on nous avait décrit des Alizés : des journées à 15-20 nds du secteur Nord-Est avec du soleil et des petits cumulus pour décorer le ciel. Alors que nous venons de franchir le point de mi-parcours (hourra!), notre bilan de cette première moitié de traversée nous laisse tout de même un peu perplexes.

9 jours! Ça nous a pris 9 jours pour couvrir la moitié de la distance totale. Un vrai scandale! En comptabilisant tous les milles parcourus, cela nous donne une moyenne de 5,25 nœuds. C’est peu pour ce bateau qui a déjà connu des moyennes bien au-dessus de 6 nœuds sur les autres traversées effectuées. Il n’y a pas grand-chose que l’on puisse faire mis à part se concentrer sur la bonne trajectoire et la marche du bateau…

Au niveau matériel, nous venons de constater que le seul frigo du bord semble nous avoir lâché. « Pan Pan Pan ; plus de bières fraiches à bord!». Nous allons malheureusement aussi perdre un peu de frais. Nous avons déjà perdu tout notre pain en quelques jours et certains fruits ont pourri prématurément. Lors de la planification des repas, nous tablions sur 15 jours en mer… A l’allure où nous allons, c’est désormais de l’ordre du fantasme de penser que nous arriverons avant cette estimation… Cependant nos réserves devraient être suffisantes pour nous faire tenir jusqu’au bout. Au pire il devrait rester quelques Carambars au fond d’un tiroir pour arriver vivants de l’autre côté!

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
1051 miles

JOUR 11

Ça prenait donc ça? Une simple petite montée de lait de notre part (voir post précédent) au sujet des conditions météo pour que les Alysés se lèvent enfin.

Car oui, le vent est maintenant au rendez-vous! Nous avons 15-17 nds établis, rafales à 22, du secteur Est et une houle qui nous poussent depuis hier en fin d’après-midi. Bilan des courses sur les dernières 24h : 149 milles – moyenne de 6,2 nds! Meilleure journée de la traversée à ce jour! Nous sommes installés en ciseaux (GV + Génois tangonné) et, mis à part les sargasses qui nous ralentissent encore énormément, il n’y a pas grand-chose à redire sur les conditions du moment : on est proche de la perfection!

Ils sont précieux ces moments en mer. Rares sont les périodes dans la vie où l’on a autant de temps pour soi. Rares sont ces occasions de vivre aussi simplement. Rares sont ces longues pauses loin de la frénésie de nos existences bien trop remplies. En plus d’être une fabuleuse migration d’Est en Ouest, cette traversée est aussi l’occasion d’un petit voyage intérieur. Chacun le vit à sa façon. Je suis persuadé que ces grandes navigations invitent à la réflexion et à l’introspection. Tout comme certains s’isolent pour quelques jours dans un monastère ou un couvent pour mieux penser (panser?) leur vie, nous vivons d’une certaine façon le même genre de retraite propice à la réflexion…

Il arrive qu’on nous dise que nous avons de la chance de vivre notre rêve. A cela nous répondons surtout qu’il s’agit d’un choix. Nous avons fait le choix de vivre selon nos valeurs. Comme dans la vie, ce choix s’accompagne d’une certaine prise de risques et/ou de sacrifices. Chose certaine, nous sommes plus qu’heureux d’avoir affronté nos doutes et d’avoir fait le choix de foncer. Une vie, une seule!

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
1330 miles

JOUR 12

Douzième journée en mer! Elle ressemble quand même pas mal à la onzième et à la dixième. Et celles d’avant aussi… Il faut croire que notre routine du bord est bien installée. Les quarts de nuits s’enchainent avec une régularité astronomique sous une pleine lune éclatante. On y voit comme en plein jour tellement le ciel éclaire. Cela rend notre veille bien plus agréable.

Nous avons remarqué que les poissons volants du coin sont bien plus kamikazes que leurs congénères croisés auparavant. Désormais, nul besoin de mettre la ligne à l’eau, c’est le poisson qui vient s’écraser directement sur le pont du bateau. Ici, le marin n’est plus pêcheur, il est cueilleur. J’imagine que cela fait partie de l’évolution et de la sélection naturelle de l’espèce. N’empêche que ces petites bestioles ont quelque chose d’assez fascinant en plus d’être plutôt fines en bouche.

On ne croise plus personne ici. Aucun trafic à signaler depuis maintenant 3 journées consécutives. La terre la plus proche se situe à 534 milles (988 kms) au Sud-Ouest de notre position. Il s’agit de la Guyane française. Vous le savez sûrement, ce territoire est une des portes d’entrée vers l’espace. C’est en effet de là que décolle la fusée européenne Ariane. C’est un peu comme si les étoiles étaient un peu plus à notre portée!

En attendant, nous sommes lancés comme une fusée. Des surfs à 8-9 nds dans un vent qui nous mène directement vers notre destination! On s’amuse!

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
1476 miles

JOUR 13

Treizième jour de transat. Comme ce treizième bouton d’ascenseur qui n’existe pas. Ici, point de superstition, ce qui doit arriver arrivera. Car oui il nous arrivera d’arriver… Un jour!

Quel jour exactement? A quelle heure? Nous n’en avons point idée. Nous arriverons, c’est la seule certitude. Pour les pressés, il y a l’avion! Le décompte des centaines, voire des dizaines n’y fera rien. Le décompte des dodos non plus. Seul devrait compter le moment présent, loin de tout. Seuls devraient compter « tous ces petits moments magiques de notre existence » comme le chante Alain Souchon dans la si bien nommée chanson « On avance » :

« On avance, on avance, on avance…
C’est une évidence, on n’a pas assez d’essence,
Pour faire la route dans l’autre sens.
On avance… »

La question du jour qui divise l’équipage :

« La monotonie mène-t-elle forcément à l’ennui? »

Vous avez 4h!

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
1634 miles

JOUR 14

Comme Michel Houellebecq, nous commençons à évoquer « la possibilité d’une ile ».

Encore lointaine, certes, mais qui se fait de plus en plus désirée et dont une partie de l’équipage trépigne d’impatience d’y poser le pied.

D’autres, au contraire, ne se voient pas encore arriver. Pourquoi se dépêcher de revenir sur terre? Pourquoi? Alors qu’on est si bien en mer…

Presque des envies de se prendre pour un Moitessier et continuer « la longue route ». Plus simple et facile à faire lorsqu’on est seul en mer et sans attache à terre…

Ce matin, les dauphins sont venus nous saluer et s’amuser sous l’étrave du voilier. Ils nous ont offert une petite leçon de surf dans une mer plutôt formée par un bon 6 Beaufort.

Un peu plus tard, un oiseau que l’on pense être une frégate est venue nous survoler. Depuis maintenant quelques jours, chaque matin, chaque soir, le même rituel : une inspection en bonne et due forme de notre tête de mat, quelques passages basse altitude au-dessus du pont. Est-ce le même oiseau depuis des jours et des jours? Qu’est ce qui explique cette régularité?

Étonnante nature.

Alors, pourquoi revenir à terre?

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
1785 miles

JOUR 15

Depuis hier, les conditions sont plus fortes et la route est en travaux. Y’a des trous partout! Tôt dans la nuit, alors que nous observions le ciel étoilé, une vague un peu plus puissante que les autres s’est invitée parmi nous. La déferlante s’est abattu dans le cockpit sur l’arrière du bateau et l’eau s’est rendue jusqu’au niveau de la descente (accès vers l’intérieur du bateau). Par chance nous étions bien harnachés avec nos sangles de sécurité et mis à part quelques vêtements bien trempés, aucun dégât à déclarer!

Nous commencons à percevoir les premiers signes de la civilisation qui se rapproche au loin. En fin de nuit, un pétrolier est passé à moins d’un mille de notre tableau arrière. Premiers signes d’humanité depuis 4-5 jours… On doit leur paraitre peut-être un peu fou de naviguer par ici avec notre petit bateau à voile de 10,60m… Mais nous ne sommes pas les seuls fous dans les parages : un couple de fous de bassan sont venus déféquer sur notre beau gennaker ce matin…

Autre signe que la terre se rapproche… Il y a de moins en moins d’eau sous les quilles : on passe progressivement de profondeurs de plus de 5 kms à des hauteurs d’eau dans les 4000m… Tout doucement, on se rapproche du plateau continental! Si la moyenne d’environ 6 nds est maintenue nous serons au mouillage de Sainte Anne dimanche pour la sortie de la messe!

Nous sommes actuellement sous gennaker seul. Cette configuration nous donne beaucoup de flexibilité pour ajuster le cap en fonction de l’état de la mer. Cela permet aussi de garder les choses simples surtout que nous devons toujours arrêter le bateau régulièrement pour nous débarrasser des sargasses… Et niveau vitesse, nous devons être tout aussi rapides qu’avec la GV haute en plus.

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
1931 miles

JOUR 16

Puisqu’il faut bien arriver un jour, nous nous reconnecterons à l’humanité dans quelques heures.

Plus de 2 semaines que nous sommes coupés de l’agitation du monde. Plus de 2 semaines que nous n’avons pas été en contact avec un article de presse, une brève, un bulletin de nouvelles, un communiqué, encore moins avec internet…

Plus de 2 semaines avec pour seuls bruits de fond, l’écoulement de l’eau le long de la coque, le vent dans les voiles et les vagues qui s’évanouissent tout autour du bateau.

Plus de 2 semaines avec l’horizon à perte de vue sur 360 degrés, les abysses sous nos 2 quilles et l’infini au-dessus de notre seule tête de mat.

Plus de 2 semaines sans injonctions, sans contrôles, sans messages débilitants qui vous veulent du bien, sans règles absurdes, sans couvre-feu…

Plus de 2 semaines à confirmer notre magnifique insignifiance dans cet univers qui n’en a rien à faire de notre humanité.

Plus de 2 semaines sur la planète Mer, libres et vivants, tout simplement.

Vitesse moyenne en 24h
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
2080 miles

Nous sommes arrivés!

Voilà, nous sommes au mouillage. Ca faisait longtemps que ca n’avait pas été aussi calme dans le bateau.

La navigation en chiffres : 16 jours, 2h et 59 minutes. 2202 milles. 1 dorade coryphène. 8 poissons volants. 21 fregates. 3 fous de bassan. Des milliers d’étoiles. Des kms2 de sargasses. Des tonnes de plancton bioluminescence. Et bien plus encore!

En guise de résumé, voici une citation de Mark Twayne:

« Dans 20 ans vous serez plus déçus par les choses que vous n’avez pas faites que par celles que vous avez faites.

Alors, sortez des entiers battus.

Mettez les voiles.

Explorez!

Revez!

Découvrez! »

Vitesse moyenne dernières hrs
0 nds
Distance parcourue sur 2202 miles
2202 miles

5 réponses

  1. Merci Tanguy pour ce compte
    Rendu de notre transat : ce fut un beau moment que chacun a vécu à sa manière mais qui pour moi fut merveilleux de quiétude, de rêverie, de découverte, où le temps ne comptait plus et que la fiabilité du bateau et de l’équipage ont permis.
    Papa

  2. Vraiment intéressante votre traversée et surtout sans pépin. Bonne continuité avec toute la petite famille !

  3. Vraiment intéressante votre traversée et surtout sans pépin. Bonne continuité avec toute la petite famille !

  4. Bravo et très sympa vos commentaires !!
    Ayant fait une transat dans l’autre sens j’ai beaucoup aimé vos ressentis.

  5. Merci de nous avoir fait participer à votre beau périple.
    Ah! les transports C….. , les seuls à vous mener en bateaux.
    Bravo pour le très agréable récit et les belles photos.
    Attention de ne pas vous noyer dans la mer de canne, ses éffluves sont comme les sirènes, ils attirent le marin.

Les commentaires sont fermés.

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