Les iles du Dodécanèse et passage de relais – 1er au 8 Août 2021

Nous voilà donc arrivés à bord du « Fils du vent ». Nous allons passer cette première semaine avec Grand-Père et Grand-Mère. La passation du relais se fera à l’issue de ces quelques jours passés en leur compagnie.

Nous ne resterons qu’une soirée au port de Kalymnos. Les infrastructures sont bonnes et la ville assez vivante mais la chaleur nous pousse hors de notre zone de confort et il est préférable de se rapprocher de mouillages un peu plus ventilés!

Le petit port de Vathi, situé quelques miles à l’Est, est parfait pour cela! Nous nous mettons donc en route pour une courte navigation. Les voiles sont hissées. La brise est très légère et l’objectif premier est plus de donner un peu d’ombre sur le pont que de faire avancer le bateau.  Une fois dépassé le cap de Chalis, nous réussirons tout de même à tirer quelques bords dans une quinzaine de nœuds de vent.

L’arrivée dans le petit port est superbe. On avance dans un fjord au bout duquel est loti un petit village de pêcheurs. Le mouillage se fait « cul au quai » : l’ancre est jetée au pied de la paroi d’en face, on laisse dérouler la chaine tout en reculant jusqu’au quai. On jette 2 amarres « à terre » et le tour est joué! Facile en théorie, un peu plus compliqué dans la vraie vie! Notre manœuvre se passe sans encombre.   

On découvre ici un village à l’ambiance très relax. Sans grande prétention mais au charme fou. Les gens sont d’une gentillesse peu commune. Mieux! ils sont bienveillants. Et cela se traduit dans l’atmosphère du lieu. Le capitaine du port, surnommé « Bob l’éponge » par les enfants, déambule sur le quai coiffé d’une grosse éponge sur la tête. Cela résume bien l’état d’esprit de la place!

Nous ne tardons pas à mettre l’annexe et le paddle à l’eau. Le fjord de Vathi est intéressant à explorer. On y trouve notamment une balançoire suspendue, une grotte logée à flanc de paroi et une slackline (ligne d’équilibriste) installée au dessus de l’eau. Les plus téméraires peuvent se jeter à l’eau d’un petit promontoire sur la falaise. Aucun de nous n’aura l’audace de se lancer dans le vide.

On profite de la piscine naturelle aménagée dans le port pour nous rafraichir à plusieurs reprises au cours de la journée. Les locaux ont poussé le luxe d’installer une douche extérieure dans le coin… Le bonheur!

Nous sommes la fin de semaine et les familles sont nombreuses à venir passer la journée ici. Les générations se mélangent. Des jeunes, des moins jeunes, des personnes agées… Tout le monde profite du moment,  le cadre environnant est superbe, les choses vont lentement, les jus d’orange frais sont à 2 euros le grand verre… Quelle qualité de vie!

Malgré ce magnifique tableau, nous décidons de  quitter Vathi le lendemain. Une plus grosse navigation nous attend. Nous visons Lipsi, au Nord : une trentaine de miles en ligne droite. À la voile, la ligne droite est rarement une réalité.  Il est statistiquement impossible que les vents soient toujours favorables. Surtout en cette période de l’année dans cette région de la Méditerranée. En effet, les mois d’été dans ces parages sont synonymes de Meltem. Ce vent, parfois très violent, prend naissance lorsqu’il existe une combinaison d’un système dépressionnaire sur la Turquie et d’un système anticyclonique sur la Grèce occidentale. Pour résumer, la mer Egée se situe dans le couloir de ces 2 « vortex » météo.

Nous mettons donc le cap au Nord face au vent. Cela veut dire que la journée va se passer au près, l’allure qui permet de remonter au vent. Le prés n’est pas très confortable ; surtout lorsque ca souffle fort sur l’eau : le bateau est gité, il tape dans les vagues et on est obligé de tirer plusieurs bords (virements) afin d’atteindre la destination.

En cours de route, nous décidons d’écourter cette navigation et de nous arrêter au mouillage d’Archelangelos juste au Nord de l’ile de Leros. La petite baie bien fermée est protégée mais les vents tournoyants s’y engouffrent malgré tout. A terre une petite taverne surplombe les bateaux. Dépaysement.

Grand Père connait le coin et sait qu’il peut trouver des oursins pour l’apéritif. L’annexe et le paddle sont vite mis à l’eau. On se dirige vers les hauts fonds juste à l’Est du mouillage. La pêche est excellente et ceux qui auront l’audace de passer par delà leur dégout se délecteront d’un met plutôt raffiné et étrangement sucré!

La journée suivante nous verra faire route en direction de l’ile de Lipsi située quelques miles au Nord. Nous sommes à nouveau face au vent dans des conditions que certains qualifieront de parfaites alors que d’autres trouveront cette navigation un peu trop sportive voire limite désagréable… Nous ne nommerons personne ici…!

Notre mouillage est tout au Sud de l’ile. En arrivant à terre, il nous faut marcher sur environ 2 kilomètres le long de la petite route qui mène au port et au village. Le paysage est splendide. La vue sur les autres iles que nous avons quittées plus tôt est impressionnante, les champs de céréales fraichement coupé (et oui!), de vignes et autres élevages de brebis se succèdent dans une charmante harmonie. Les habitants nous saluent discrètement lorsque nous les croisons. On retrouve ici cette bienveillance et gentillesse à laquelle nous avions goutée il y a quelques jours à Vathi. Un vrai délice!

Au village, nous observons des scènes du quotidien où se mélangent les locaux et les touristes. Ici, un garçon qui a beaucoup de succès à pêcher les petits poissons le long du rivage (Victor est très curieux de sa technique mais n’osera pas aller à sa rencontre), là un voilier en panne de moteur qui se fait remorquer par un petit bateau local pour se mettre à l’abri, là-bas un vieux monsieur qui fait griller son poulpe sur du charbon de bois. Malgré le Meltem qui souffle fort, la vie est douce ici et nous en profitons pour savourer un Ouzo devant ce spectacle de la vie.

Le lendemain nous mettons initialement le cap vers un mouillage sauvage qui nous apparait bien sympathique. Mais en cours de route, une partie de l’équipage sera tellement découragé de se retrouver à nouveau face au vent que nous changeons de destination pour faire route en direction de l’ile de Patmos plus a l’Ouest. Nous nous retrouvons donc pour une fois sur une allure de vent de travers, ce qui est bien plus agréable et confortable il faut le reconnaitre. Le bateau avance bien avec cet angle de vent et les conditions sont de mer sont idéales pour faire marcher le RM.

Nous jetons l’ancre dans une petite baie bien protégée. En face de nous une plage de galets agrémentée de quelques arbres, des champs et la montagne aride. Une taverne surplombe la baie. À notre gauche, un ilot avec une église et des biquettes. À notre droite, un paysage rocailleux dans lequel on se demande comment la végétation arrive à subsister…

Rapidement, nous nous mettons à explorer les alentours : sur l’eau, sous l’eau et à terre. Les enfants découvrent des pierres qui flottent… Et oui! Sur la plage on trouve des petites pierres extrêmement légères et très poreuse : de la pierre ponce. Jetées à l’eau ces drôles de cailloux restent à la surface. Ça ressemble à du polystyrène lorsque ça flotte! Avec les enfants on va essayer d’écrire un texte là-dessus dans la section « moussaillons ».

Les fonds sont assez jolis et un peu plus riches que lors de nos autres explorations sous-marines. On y observe de nombreux oursins (au grand damne de Marion qui a quasiment développé une phobie pour ces petits animaux), des éponges, des anémones et un tas de petits poissons qui nagent en banc. Les enfants passent de longs moments avec le masque et le tuba à observer cette faune qui s’active sous la surface!

La journée se conclut par un BBQ à bord et une séance d’observation du ciel étoilé. Le débat sera tout aussi enflammé que les bananes flambées lorsqu’il s’agira d’identifier les différents astres et constellations. La joute entre les adeptes des applications mobiles et les inconditionnels des éphémérides  n’aura pas forcément trouvé de grand vainqueur…!   

Le lendemain, nous décidons de nous rapprocher de la ville de Patmos et de son port. Nous avons une courte navigation d’à peine 2 miles à effectuer. L’accueil au quai est nullissime et franchement un des pires jamais rencontrés en Grèce. Cette section du port est en reconstruction et le quai est envahi de gros blocs de bétons et de poussière. Les services de base (eau et électricité) sont à peine fournis. Tout cela n’a rien d’invitant mais la nuit nous sera tout de même facturée au tarif normal pour une prestation anormale. Il est étonnant de constater la différence d’ambiance d’une ile à l’autre. Patmos en règle générale ne nous aura pas laissé un bon souvenir au cours des 3 jours que nous y passerons.  

Nous profitons de la soirée pour nous promener et manger en ville. On y découvre un endroit sans grand charme et assez touristique. À nos yeux, il n’y a que peu d’intérêt à s’arrêter longuement ici. Seul le monastère perché sur les hauteurs attire notre attention. C’est la visite que nous ferons dès le lendemain matin.

Nos réveils sonnent assez tôt afin de profiter de la fraicheur du petit matin et nous sautons dans un taxi pour rallier le monastère tout là-haut. Arrivés sur place, on pénètre dans un lieu solennel où l’on a clairement le sentiment qu’un bout d’histoire a été écrit. L’architecture est magnifique, les peintures de la chapelle sont impressionnantes malgré leur état assez dégradé et les artéfacts exposés sont surprenants. Ainsi, les enfants découvrent avec horreur et dégout un crâne dans une vitrine… 

Nous déambulons à travers cette forteresse au sommet de laquelle nous pouvons admirer une vue à 360 degrés sur les iles voisines. Cet emplacement stratégique a surement permis de déjouer de nombreuses attaques ennemies!

Je vous laisse le soin de découvrir par vous-même l’histoire de ce monastère mais il y a un fait intéressant à noter : c’est en ces lieux que les textes de l’Apocalypse auraient été écrits il y a bien longtemps…! En ces temps actuels troublés et troublants, c’est un rappel que l’annonce de la fin du monde est vielle comme le monde…!

Après cette escale plus urbaine nous repartons nous ancrer dans la baie qui nous accueillait il y a 2 jours. Il s’agit de la dernière journée à bord pour Grand-Père et Grand-Mère. On sent une certaine fébrilité gagner l’équipage. Sans l’exprimer clairement, je crois que tout le monde sait qu’une page se tourne. Le bateau s’en va voguer vers de nouveaux horizons. L’inconnu rend toujours un peu inconfortable. Mais l’heure n’est pas aux remises en question. La bouteille de champagne est sabrée pour fêter ce nouveau chapitre du parcours du « Fils du vent ». On mange 2 belles dorades grillées au BBQ. La soirée se déroule à nouveau sous les étoiles. Demain est un autre jour…

Justement… Le lendemain, nous déposons Grand-Père et Grand-Mère sur le quai au port de Patmos. Nous avons à peine le temps de les embrasser que nous devons déguerpir : l’imposante barge servant aux travaux du port arrive pour charger un énorme bloc de béton. Cela rend les « au revoir » moins pénibles. Un énorme “MERCI” à vous, Grand Père et Grand Mère, de nous prêter le “Fils du vent” pour les prochains mois et de la confiance que vous nous témoignez depuis le début de ce projet!

Nous voilà seuls à bord. L’émotion  est palpable. Ce n’est pas tous les jours qu’un tel projet se concrétise… Ce n’est pas tous les jours qu’on se lance pour une année en voilier en famille… Même si nous sommes confiants nous mesurons pleinement l’ampleur du défi.

Et cette première journée seuls à bord ne manquera pas de défis. Nous partons immédiatement vers notre prochaine destination : l’ile de Fourni au nord de Patmos. Une grosse vingtaine de miles à parcourir au près. Les prévisions ne sont pas plus mauvaises que les autres jours. On s’attend à du 20-25 nœuds du Nord. Dans la réalité, c’est plutôt du 25-30 nœuds qui nous a été servi. A l’approche de Fourni, nous avons même eu une « claque » à 39 nœuds indiqués à l’anémomètres, probablement due au relief très prononcé dans les alentours. Heureusement, le RM est un bateau fiable qui confère un vrai sentiment de sécurité même dans les conditions les plus musclées.  

Pour ceux qui ont eu le courage et la patience de nous lire jusqu’ici, je vous épargnerai la manœuvre de mouillage périlleuse dans de telles conditions de vents forts tourbillonnants. Pour résumer, Émilie s’en est sortie avec des épines d’oursins dans la cuisse et, pour ma part, la main droite a subi plusieurs bonnes brulures qui se sont soldées par de magnifiques ampoules en tentant de retenir un bout (cordage) qui filait alors que le bateau était pris par une rafale. On n’a jamais dit que ca serait facile non plus…!

Mais quelle première journée! Et quelle première semaine de navigation! Quelle intensité! Tant mieux, c’est exactement ce que nous sommes venus chercher!

Tanguy

PS : Suivez notre itinéraire dans la section Carto pour plus de clarté sur nos différentes escales.

7 réponses

  1. Ces textes magnifiques dignes du National Géographique me font me sentir sur place. Merci de partager cette aventure avec nous tous. Vous faites vivre à vos enfants et à vous même des jours inoubliables. J’attend la suite avec grand intérêt.

  2. Chère Émilie,
    Je prends connaissance de votre magnifique aventure. C’est avec grand intérêt que je vais vous suivre et vous voir évoluer.
    Bon vent!

  3. Bonjour à tous…un petit mot de chez vous pour vous souhaitez un merveilleux voyage que nous aurons plaisir à suivre…bisous
    Eric, Hélaine, Janne & Juliette….

Les commentaires sont fermés.

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