Les Cyclades : Iraklia, on s’en souviendra : 12 Aout 2021

Finalement, c’est la discrète ile d’Iraklia qui nous attire le plus et nous y mouillons en fin de journée. Les quelques places au quai étant toutes prises, nous nous installons juste en face en utilisant la technique « cul au rocher ».

La nuit s’annonce calme, moins de 10 nds selon les prévisions. Nous avons suffisamment de place en avant de nous pour dérouler une quarantaine de mètres de chaine. Émilie se jette à l’eau pour aller installer 3 amarres à terre afin de bien assurer le bateau. On ne devrait pas bouger…

Nous sommes contents de la manœuvre, tout s’est déroulé comme prévu. Pour bien faire les choses jusqu’au bout, je plonge à l’eau pour vérifier l’ancre. Parfait!

Nous débarquons à terre et découvrons un petit village loin des circuits touristiques. Cette ile a su rester une destination confidentielle. Il y a bien quelques plaisanciers comme nous venus tâter le terrain mais la plage et les commerces ne semblent être fréquentés que par une population locale grecque. L’atmosphère y est très paisible, toute douce.

Alors que les enfants sont restés jouer sur la plage, Émilie et moi observons un pêcheur capturer une sèche le long du quai. Nous sommes surpris de constater qu’en plus de projeter de l’encre, cet animal est capable d’émettre des petits cris alors qu’il est sorti de l’eau… Étrange!

Après l’apéro règlementaire de la fin de journée, nous rentrons au bateau, tout est calme. La nuit va être bonne.

2h30 du matin sur l’écran du téléphone… Il se passe quelque chose… Dehors le vent siffle dans les haubans. Combien? 15? 20? 25 nds? “Mais d’où ça sort ce bordel…?” J’allume en vitesse les instruments pour consulter l’anémomètre. On est dans les 20 nds avec des rafales.

Je constate assez rapidement que notre situation est précaire : le vent nous « attaquant » par le côté, l’arrière du bateau se rapproche beaucoup trop des rochers. La situation est très inconfortable pour nous, elle devient carrément dangereuse pour le bateau. Vite, il faut prendre une décision!

On part!

Je demande à Émilie de sauter à l’eau (oui, oui en pleine nuit noire et avec du vent…!) pour aller libérer les amarres à terre. On doit partir d’ici au plus vite! Je démarre le moteur et attrape la télécommande qui me permet de remonter l’ancre tout en restant à la barre du bateau pour manœuvrer. Je reprends de la tension sur la chaine en espérant nous dégager un peu des rochers. Les rafales sont de plus en plus fortes. J’attrape le « couteau d’urgence », je suis sur le point de trancher les amarres. 

Je vois qu’Émilie a réussi à se hisser sur les rochers et qu’elle commence à libérer chaque haussière qui retient le Fils du vent par en arrière. Je reprends à toute vitesse les bouts ainsi libérés, il ne faudrait surtout pas se retrouver avec un cordage pris dans l’hélice, ça serait une catastrophe dans de telles conditions.

Ça y est! La dernière amarre est relâchée. Le bateau effectue rapidement un quart de cercle sur le plan d’eau pour se mettre dans le lit du vent. Ça souffle toujours et surtout de plus en plus fort. On doit approcher des rafales à 30 nds. Incroyable mais la décision était la bonne! Je me retrouve à bord loin du rivage et seul pour gérer le reste de la manœuvre. Les enfants, eux, sont dans leur couchette et dorment à point fermé. C’est encore là qu’ils sont le plus utiles pour le moment.

Le danger immédiat est désormais écarté : le bateau n’a rien, Émilie est en sécurité a terre. Je remonte l’ancre grâce à la télécommande installée l’année dernière (mais quelle bonne idée!). J’ai juste un léger doute sur le fait que notre ancre soit prise dans celle de la vedette qui a mouillé juste en face de nous après notre arrivée… Coup de chance, elle remonte sans problème.  

Je me dégage du petit port étriqué en passant devant les autres bateaux. Il y a au moins 4 autres voiliers ou vedettes qui sont en train de quitter ce mouillage devenu intenable. Intérieurement, cela me rassure un peu : notre équipage n’est pas le seul à se faire cueillir ainsi par le vent en pleine nuit et cela confirme que rien ne pouvait vraiment laisser présager d’une telle situation.

Il fait noir dehors, pas de lune, les étoiles sont partiellement cachées par les nuages. Dans l’urgence du moment, je n’ai pas eu le réflexe d’allumer l’ordinateur sur lequel s’affiche notre cartographie. Je m’avance donc un peu à l’aveuglette dans la nuit. Une falaise à droite, des rochers à gauche… Je descends rapidement à la table à cartes allumer l’ordinateur pour me redonner une image claire de la position du bateau.

Le paddle resté dans l’eau hier soir fait des bonds dans les airs en arrière du bateau à chaque rafale un peu violente. Je le remonte à bord et l’envoie de façon expéditive à l’intérieur, je n’ai aucunement le temps de le sécuriser sur le pont. L’annexe est elle aussi un peu malmenée dans l’eau mais elle restera en arrière pour le moment.

Le bateau est donc désormais hors de danger et après plusieurs « orbites » dans la baie le pont est également à peu près rangé et organisé.

Il ne reste plus qu’à récupérer Émilie, restée sur les rochers en pleine nuit après avoir libéré les amarres… « Comment faire? ». Je me pose la question depuis que l’ancre est remontée. L’idée de lui demander de rejoindre le bateau à la nage de nuit ne me plait pas. Je suis sûr que de son coté également cette proposition ne marquerait pas beaucoup de points.

L’autre option est de venir effleurer le quai de l’autre coté de la petite baie et de lui demander de sauter à bord au passage. La mer est agitée le long du quai mais le vent souffle dans la bonne direction pour ne pas se faire plaquer. De gros boudins protecteurs installés pour les ferrys permettent une approche sans trop de danger. Au pire, cela fera une grosse marque noire sur la belle coque grise, au mieux je peux toujours installer les défenses pour protéger le bateau des éraflures.

C’est cette 2ème option qui remportera la première place de mon petit jury intérieur. J’installe donc les défenses, je fais un premier passage à proximité du quai où Émilie m’attend. Je lui décris brièvement la manœuvre et demande si cela lui convient. Nous sommes tous les 2 satisfaits du plan de match. Reste à l’exécuter.

Je fais un large 360 degrés par la gauche et me présente à basse vitesse face au vent le long du quai… Il est maintenant aux alentours de 3h30 du matin, nous sommes sur une ile reculée d’un pays qui nous est étranger, il fait nuit noire, il vente à 25 nœuds et je suis en train de récupérer ma coéquipière restée à terre… Nous cherchions l’aventure, c’est bien cela…? Je crois qu’on s’en approche!

La manœuvre se passe à merveille. Les défenses sont venues caresser le quai et Émilie a pu remonter à bord sans problème! Maintenant, il nous faut retrouver un mouillage décent qui nous permettra de nous reposer. Nous prenons le cap de l’ile d’en face : Shinoussa. Après plusieurs essais dans une première baie surpeuplée, nous décidons de contourner l’ile et de nous mettre à l’abris d’une falaise. Le vent n’est pas retombé, il pleut légèrement. 6h du matin, le jour se lève alors que nous allons nous recoucher.

Tanguy

3 réponses

  1. Wow super cool de vous lire j’aurais aimé avoir une aventure comme celle là avec ma famille

Les commentaires sont fermés.

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